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Fontevraud L’Abbaye Royale
49590 Fontevraud-l’Abbaye


Certains souverains ne sont pas enterrés dans leur pays, suite à un exil (comme Charles X à Nove Gorica, ou Napoléon III en Angleterre), ou suite au basculement du territoire de leur sépulture d’un état à un autre. C’est le cas de plusieurs souverains anglais inhumés dans l’abbatiale de Fontevraud au Moyen-Âge, et dont les gisants ornent aujourd’hui sa nef.
FONTEVRAUD Eglise abbatiale

Les gisants des Plantagenêts, qui ont régné sur l’Angleterre, sont visibles dans la nef, achevée vers 1160, sous le règne d’Henri II Plantagenêt. (La partie haute de la façade principale de l’abbatiale a été modifiée au XVe siècle.)

L’histoire de l’abbaye est liée à Robert d’Arbrissel. D’origine bretonne et après des études à Paris, il se dévoue au service de l’évêque de Rennes afin qu’il puisse reprendre le contrôle de son diocèse, en pleine réforme grégorienne. Son poste ne le rendit pas populaire et la mort de son supérieur l’obligea à s’exiler. S’en suivi une période d’errance, durant laquelle, Robert fut rejoint par de nombreux disciples. Lors du concile de Poitiers, les autorités ecclésiastiques lui demandèrent de se fixer avec sa troupe. Ce qu’il fit en fondant l’abbaye de Fontevraud en 1101. Son ordre étant double, les installations permettaient la séparation des hommes et des femmes. La seule construction en dur était un oratoire dédié à la Vierge, rapidement agrandi pour laisser place à l’église abbatiale actuelle. L’ordre de Fontevraud va attirer de plus en plus d’adeptes, et va connaitre un fort développement suite à la transformation de l’abbaye en nécropole dynastique par les Plantagenêts.

FONTEVRAUD Chapelle Saint Benoit et Chevet de l'abbatiale

Le chœur de l’abbatiale a été construit entre 1106 et 1117, date à laquelle Robert d’Arbrissel, fondateur de l’abbaye, y fut enterré.

FONTEVRAUD Cloitre

La nef de l’abbatiale vue depuis le cloître du Grand Moûtier.

D’abord comte d’Anjou (province dans laquelle se trouve le site de l’abbaye) et suite à plusieurs mariages, la dynastie des Plantagenêts va finir par régner également sur le comté du Maine, de Touraine, le duché de Normandie, de Bretagne, le royaume d’Angleterre, le comté de Poitou et le duché d’Aquitaine. Ces deux derniers sont apportés par Aliénor d’Aquitaine par son mariage avec Henri II Plantagenêt en 1152. Celui-ci devient roi d’Angleterre deux années plus tard et fut généreux en dons à l’abbaye, alors qu’une de ses tantes en fut l’abbesse de 1149 à 1155. La nef de l’église abbatiale, à file de coupoles, fut achevé sous son règne, vers 1160. La générosité d’Henri II lui valu le qualificatif de « père de l’église de Fontevraud », mais son enterrement à Fontevraud fut réalisé contre son souhait de l’être dans l’abbaye de Grandmont. En effet, au cours du conflit l’opposant à ses fils et au roi de France, il mourra à Chinon au cours de l’été 1189. La chaleur ne permettant pas le transport de sa dépouille jusqu’au Limousin, il fut donc inhumé par commodité dans l’abbaye Fontevraud.

FONTEVRAUD Gisant d'Alienor d'Aquitaine et d'Henri II

Le gisant du roi d’Angleterre Henri II devant celui de sa femme Aliénor d’Aquitaine. Il porte les attributs lié à son statut: une couronne, un sceptre, une épée et des gants.

FONTEVRAUD Gisant de Richard Coeur de Lion

Tout comme son père, Richard Cœur de Lion porte les insignes de la royauté.

A la mort d’Henri II, son fils Richard Cœur de Lion lui succéda. Le règne de ce roi, surtout connu grâce à la légende de Robin des Bois, fut marqué par sa participation à la troisième croisade, son enlèvement sur le chemin du retour, puis ses guerres incessantes contre le roi français Philippe Auguste. Il mourra lors du siège du château de Châlus en 1199 et fut enterré à l’abbaye de Fontevraud, probablement selon la volonté de sa mère Aliénor d’Aquitaine. Cette dernière s’était en effet retiré dans l’abbaye dès 1194, d’où elle dirigeait néanmoins les affaires de la famille. Le destinée de cette reine, duchesse d’Aquitaine, d’abord mariée au roi de France Louis VII, puis reine d’Angleterre, est exceptionnelle. Fuyant un mariage malheureux, le second fini par l’être également. Elle aida alors ses fils à se révolter contre leur père, et fut emprisonnée une quinzaine d’années, jusqu’au décès de son mari. Elle régna ensuite avec son fils Richard Cœur de Lion, et s’employa à rassembler la rançon afin de libérer lorsqu’il fut enlevé à son retour de croisade. Proche de son fils, elle dut sortir de sa retraite à l’abbaye de Fontevraud à sa mort, pour aider son frère Jean sans Terre à lui succéder sur le trône. Elle mourra quelques semaines après la perte de la Normandie par ce dernier en 1204.

FONTEVRAUD Gisant d'Alienor d'Aquitaine

Également couronnée, Aliénor d’Aquitaine tient un livre de prières ouvert dans ses mains.

FONTEVRAUD Gisant d'Isabelle d'Angouleme et de Richard Coeur de Lion

Le gisant d’Isabelle d’Angoulême, épouse de Jean sans Terre  (Second fils d’Aliénor d’Aquitaine à être monté sur le trône d’Angleterre) est en bois. Il est un des rares exemples d’un gisant en bois.

Le dernier gisant visible aujourd’hui est celui d’Isabelle d’Angoulême, troisième épouse de Jean sans Terre, qui se retira tout comme Aliénor d’Aquitaine à l’abbaye de Fontevraud, trois ans avant sa mort en 1246. D’abord inhumée dans la salle capitulaire, son fils Henri III ordonna huit années plus tard de la transporter dans la « nécropole royale ». (Le cœur du roi Henri III sera également déposé à l’abbaye à la fin du XIIIe siècle.) La position des tombes des rois fut longtemps une inconnu, car les statues funéraires des Plantagenêts ont été déplacées dans un mausolée en 1639, avant d’être laissées à l’abandon lors de la période Révolutionnaire. Cette époque n’a pas épargné les deux priants du XVIIe siècle de Jeanne d’Angleterre (fille d’Aliénor d’Aquitaine, morte à Fontevraud en 1199), et du comte de Toulouse Raymond VII (son fils, mort en 1249). La découverte de la tombe de ce dernier au pied d’une peinture murale le représentant, a permis de situer l’emplacement d’origine des tombeaux dans la travée orientale de la nef (donc à l’intérieur du chœur des religieuses de l’époque), où les gisants sont aujourd’hui placés.

FONTEVRAUD Raymond VII

Peinture murale représentant le comte Raymond VII de Toulouse en arme, petit-fils d’Aliénor d’Aquitaine, au pied de laquelle a été découverte sa tombe.

Ces quatre gisants, sont ceux des rois d’Angleterre Henri II et Richard Cœur de Lion, d’Aliénor d’Aquitaine (qui est respectivement la femme et le mère des deux souverains), et d’Isabelle d’Angoulême (belle-fille d’Aliénor). Les trois premiers sont sculptés en pierre calcaire, alors que le dernier, plus petit, est en bois. Ceux des deux souverains, morts en premier, ont été sculptés par le même artiste. La différence avec le gisant d’Aliénor peut se voir dans les plis des vêtements qui sont beaucoup plus rigides en comparaison avec le drapé souple de la robe de la souveraine. La restauration des gisants en 1846 a été fortement critiquée, notamment pour l’ajout des parties manquantes (nez, mains, symboles de la royautés), et pour leur mise en couleur, alors courante en France lors de la restauration d’architecture médiévale.

FONTEVRAUD Nef

La découverte de la tombe de Raymond VII a permis de situer l’emplacement primitif des tombeaux dans la travée orientale de la nef, où les gisants sont aujourd’hui placés.

Le comté d’Anjou entre dans le domaine royal français dès 1204. La défaite de Jean sans Terre dix ans plus tard, suivi par le traité de Paris de 1259 (où son fils Henri III renonce à ses prétentions sur la Normandie, l’Anjou, la Touraine et le Poitou) mirent fin à la présence des Plantagenêts dans l’Ouest de la France. Le souvenir de ces rois d’Angleterre réapparu peu après la Révolution, lors de la redécouverte de ces gisants, qui ont failli traverser la Manche par deux fois: la première en 1816, lorsque les angevins s’opposèrent à une demande anglaise accordée par le gouvernement français de les transporter dans l’abbaye de Westminster, et une seconde en 1866, après que Napoléon III les aient offert à la Reine d’Angleterre, qui déclina l’offre devant l’indignation des français. Les gisants furent alors placés au niveau de l’emplacement primitif des tombeaux, retrouvant ainsi l’endroit le plus apte à les recevoir. Ils sont une des plus belles preuves que les frontières européennes ont constamment évolué, même quand il s’agit de celles d’une île.

 

L’abbaye de Fontevraud est un site spectaculaire, voici d’autres photos pour vous en rendre compte:

FONTEVRAUD Salle capitulaire

La salle capitulaire, où fut d’abord inhumé Isabelle d’Angoulême. Nous pouvons encore admirer les fresques représentant des scènes de la Passion du Christ, réalisés par Thomas Pot au XVIe siècle. La partie inférieure était occupée par des stalles aujourd’hui disparues.

FONTEVRAUD Cuisines (2)

Cet édifice est le plus emblématique de l’abbaye. Construites en pierre de Charente, les anciennes cuisines sont couronnées de 21 cheminées.

A l'origine entourée de huit absidioles, deux ont été détruite (la première pour la construction ds nouvelles cuisines (à gauche sur la photo), la seconde pour créer un nouvel accès (visible sur la photo)).

A l’origine entourée de huit absidioles, deux ont été détruite (la première pour la construction des nouvelles cuisines (à gauche sur la photo), la seconde pour créer un nouvel accès (visible sur la photo)).


Tout près de l’abbaye, se trouve Chinon où mourra Henri II Plantagenêt. Connaissez-vous la chapelle semi-troglodytique, et sa fresque du XIIe siècle  représentant probablement Henri II et Aliénor dans une scène de chasse?

Dans la région, je vous invite à découvrir la porte Saint-Jean à Montreuil-Bellay, le salon oriental du château de Villandry, mais aussi l’étrange pile gallo-romaine de Cinq-Mars.

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