UA-66654770-1

« Transi » ou « Squelette », dans l’église Saint-Étienne
Place Saint-Pierre, 55000 Bar-le-Duc


Le visiteur de l’église Saint-Étienne de Bar-le-Duc sera probablement surpris de tomber sur une sculpture du XVIe siècle, représentant un homme debout et en décomposition, dans le transept Sud.

 

Commençons tout d’abord par un bref historique des lieux. Bien que « Bar » signifie « hauteur » en celte, les preuves d’un occupation permanente du site de Bar-le-Duc, préfecture d’environ 15000 habitants du département de la Meuse, remontent à l’antiquité romaine. La ville s’est ensuite développée de part et d’autre de la rivière l’Ornain, et sur la colline du château, en devenant la capitale d’un comté qui s’est formé du XIe au XIIIe siècles. Ce dernier a perdu une partie de son autonomie le siècle suivant, au profit du roi de France. Il devient un duché avant d’être réuni à celui de Lorraine sous la même autorité à la fin du XVe siècle, pour être définitivement rattaché à la France à la mort du duc Stanislas Leszczynski en 1766. De par sa situation entre le royaume de France et le Saint-Empire romain germanique, la ville a connu son âge d’or au XVIe siècle grâce à politique habile des ducs Antoine le Bon et Charles III, le premier ayant combattu aux côtés de François Ier à Marignan, mais ayant marié son fils à une nièce de Charles Quint et sa fille Anne de Lorraine à un proche de l’empereur: René de Chalon.

 

C’est ce dernier, prince d’Orange, comte de Nassau et seigneur de Bréda, qui est représenté à travers le transi qui se trouve dans l’église Saint-Étienne. René de Chalon est mort à 25 ans lors du siège de Saint-Dizier en 1544, pendant la neuvième guerre d’Italie. Cet évènement a marqué l’invasion de la Champagne alors française par Charles Quint.
La sculpture traduit une connaissance parfaite de l'anatomie de Ligier Richier

La sculpture traduit une connaissance parfaite de l’anatomie de Ligier Richier

Un transi est une sculpture représentant le défunt sous la forme d’un cadavre. Inventé au XVe siècle, il traduit un mysticisme et une volonté de rabaisser le corps. Il faut également noter qu’un transi est représenté couché, utilisant la même posture que le gisant, qui représente le défunt vivant ou endormi, et le plus fidèlement possible (Ce qui est particulièrement visible dans le gisant de Charles V à Saint-Denis, reconnaissable à son nez proéminent). Cette particularité justifie le choix de « squelette » comme autre nom pour désigner cette sculpture.
L'aménagement actuel n'est pas l'original mais date de 1810.

L’aménagement actuel n’est pas l’original mais date de 1810.

Réalisée par le sculpteur Ligier Richier, qui est attaché à la cour de Lorraine et de Bar, cette œuvre majeure de la Renaissance a été taillée dans le calcaire, mais traitée afin d’avoir l’aspect du marbre. Elle est une commande d’Anne de Lorraine et correspondrait au désir de son défunt mari d’être représenté tel qu’il aurait été trois ans après sa mort. Le résultat est un squelette haut d’1,75m, tendant son cœur vers le ciel, lui offrant symboliquement sa vie et traduisant une espérance en la Résurrection. Il semblerait que celui-ci tenait à l’origine le cœur du prince placé dans un petit écrin rouge en vermeil.
L'église Saint-Étienne et sa façade de style gothique flamboyant où apparaissent des éléments typiques de la Renaissance.

L’église Saint-Étienne et sa façade de style gothique flamboyant où apparaissent des éléments typiques de la Renaissance.

Le Transi ou Squelette se trouve dans le transept Sud.

Le Transi ou Squelette se trouve dans le transept Sud.

A cette époque, la partition du corps avec des sépultures multiples est d’usage pour les personnages importants depuis le XIIIe siècle, ainsi le corps de René de Chalon a été mis en terre dans sa ville natale de Breda (aux Pays-Bas), alors que son cœur est resté à Bar-le-Duc. A l’origine, le transi était placé dans l’ancienne collégiale Saint-Maxe du château, mais il a été déplacé en 1790 dans le transept Sud de l’actuelle église et au-dessus du caveau qui devait réunir toutes les sépultures des anciennes familles comtales et ducales de Bar-le-Duc. Ce projet a été suspendu à la suite de la Révolution française et le cœur du prince a probablement disparu à cette période. L’aménagement théâtral actuel est dû au chanoine Rollet qui, en 1810, a utilisé des fragments de tombes pour créer un mausolée recueillant les restes des princes du Barrois.

Enfin, cette œuvre a inspiré de nombreux artistes dont Louis Aragon qui l’évoque dans son recueil de poésie « Le Crève-cœur », paru en 1941 :


« Écoute dans la nuit mon sang bat et t’appelle
Je cherche dans le lit ton poids et ta couleur
Faut-il que tout m’échappe et si ce n’est pas elle
Que me fait tout cela ? Je ne suis pas des leurs


Je ne suis pas des leurs puisqu’il faut pour en être
S’arracher à sa peau vivante comme à Bar
L’homme de Ligier qui tend vers la fenêtre
Squelette par en haut son pauvre cœur barbare »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *